ESCAPADE AU SAHARA UN SOIR DE NOEL

Une bande de jeunes comédiens
Album : Une bande de jeunes comédiens

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UNE BANDE DE JEUNES COMEDIENS

ALGERIE :  1958 – 1960

L’idée : à l’intention des militaires situés dans des zones reculées, ou éloignées des grandes villes, monter un spectacle court, fait de pièces en un acte, sketches, poèmes et l’emmener dans ces zones où n’existent ni cinémas ni spectacles d’aucune sorte.

Un aumônier de l’Armée de l’air, passionné de théâtre, s’enthousiasme pour le projet, entreprend de multiples démarches auprès de ses supérieurs. L’idée paraît généreuse, sa réalisation est délicate :

L’Algérie est en guerre, et les différents points où nous sommes susceptibles de nous rendre sont situés dans des régions opérationnelles. Certaines bases sont d’ailleurs mobiles afin de s’adapter aux combats, et leurs terrains d’atterrissage sont très rudimentaires.

Nous en ferons l’expérience turbulente.

L’autorité aérienne accepte un premier voyage, en 1958. Nous souhaitons alors que les dates retenues soient celles de Noël : Les oasis de Laghouat et Djelfa les 24 et 25 décembre.

Le 31 décembre : une base mobile à Bir Rabalou et le 1er janvier : Orléansville.

Deux comédiennes, trois comédiens – Au programme Courteline, sketches et poèmes.

Les militaires qui nous reçoivent n’ont pas eu de permission depuis plusieurs mois et sont au combat chaque jour. Aussi l’accueil est à la mesure de cet isolement : tout a été fait pour créer un semblant de salle de spectacle :

Un hangar d’avion, bâché, quelques tréteaux, un plancher qui bouge un peu sous nos déplacements, deux projecteurs de fortune face à nous.

Nous avons beaucoup plus de trac que dans les salles confortables de la capitale : vont-ils écouter la petite musique de Giraudoux, ou apprécier « Le portrait d’un oiseau » de Prévert ?

Pour se défouler de la pression qui est la leur vont-ils nous chahuter ? L’entrée des comédiennes, pour jolies qu’elles soient, ou parce qu’elles le sont, va-t-elle être mouvementée ?

Dans les vies qui ont été les nôtres plus tard avons-nous retrouvé cette qualité d’écoute là ? Cette fixité de leur regard sur nous intense, forte.

Le pari est réussi : nous avons voulu passer ce Noël avec eux. Ils ont souhaité nous offrir une vraie veillée de fête lors du repas pris en commun. Ni les huîtres ni le foie gras ni le champagne n’ont été oubliés ni même les chansons qui au fil de la soirée n’étaient plus tout à fait des chansons de Noël, et que nos comédiennes cependant reprenaient en chœur avec eux…

Nous visiterons Télergma, Djebel-Rheïghss, Paul-Cazelles, Bourbaki, et plusieurs fois encore Laghouat, Djelfa, Bir-Rabalou, Paul-Cazelles, et Orléansville.

Au total dix sept représentations seront données entre mai 1959 et janvier 1960. Nous utiliserons des moyens de transport variés : hélicoptère, avions Nord 2501 et Dakota, et même un camion pour une base éloignée, sans possibilité d’atterrissage.

Au fil des représentations la troupe s’est renforcée. De 5 personnes en décembre 1958 elle passera à 24 interprètes en 1960.

Nous avons entraîné dans notre aventure un orchestre de dix musiciens et sept artistes de variétés. Tous bien sûr, participent bénévolement, faute de quoi cette belle histoire n’aurait pu avoir lieu.  Au cours des dix sept représentations vingt quatre comédiens ont « tourné » pour assurer les spectacles :

Brigitte ARDIEU, Josyane ARDIL, Hélène de BARON, Guy BONNET, Annie BOUCAYA, Marie-Jeanne BRUSSET, Bernard CALLAIS, Jacques CHABASSOL, Paule-Hélène CHEBAT, Annie CHETRIT, Paulette CUTAYA, Madeleine DEBRAS, Attica GUEDJ, Marlène LAYANI, André LIMOGES, Jean MAGNAN, Guy MOIGN, Jean-Jacques OLIVIERO, Bernard ORTIS, Jeanine PERISNARD, Carmen PINA, Fred ULYSSE, Christiane VYMETAL.

Edgar HAMALIAN, lui-même militaire du contingent a assumé la couverture de ces voyages pour la presse algéroise dans de nombreux compte-rendus.

Soixante ans ont passé.

Le souvenir de ce qui nous a unis dans ces moments-là nous ne pouvons l’oublier même si le temps a fait son œuvre.

Que sont devenus musiciens et comédiens de ces soirées improvisées ?

Bernard CALLAIS, sera, aux côtés de DAVE et de Catherine ALLEGRET l’interprète du rôle titre de la comédie musicale Godspell en 1972.

Attica GUEDJ, par ses adaptations pour le théâtre d’auteurs étrangers accompagnera son mari Stephan MELDEGG dans la réussite du Théâtre La Bruyère dont la programmation est orientée vers les auteurs dramatiques contemporains tels que James SAUNDERS, Vaclav HAVEL, Dario FO, Agnès JAOUI et Jean-Pierre BACRI et remportera un nombre impressionnant de Molière !

Jean-Jacques OLIVIERO sera l’une des voix de France-Culture puis deviendra illustrateur et maquettiste aux côtés de sa femme Andrée LE BAILLY collaboratrice à la station de St Pierre et Miquelon.

Michel MARI et René COFFIER, après 1962, poursuivent la carrière que leur avait ouvert leur Premier Prix de Violon du Conservatoire de Paris.

Il en fut de même pour le Premier Prix de Violoncelle de Jean BARTHE dans ce même Conservatoire.

Guy MOIGN sera l’un des interprètes de « La Cantatrice chauve » de Ionesco, plusieurs décennies, au Théâtre de La Huchette à Paris.

Fred ULYSSE comédien et acteur de cinéma sera également l’interprète talentueux de nombreuses dramatiques à la Télévision.

Madeleine DEBRAS confirmera ses débuts à la Télévision algéroise en 1959 dans l’émission « Mots et Images » par un parcours d’auteur qui la verra proposer à France 3, un portrait de 52’ du dessinateur’humoriste Chaval en 2020 : « Chaval, danger d’explosion ».

Paraphrasant le Figaro de Beaumarchais je dirais qu’à tous ceux-là il fallait un danseur, Ce fut un Premier Prix du Conservatoire de Paris là encore mais de danse cette fois : Alain DAVESNE

Le destin tragique de l’un des comédiens de ces soirées ajoute à l’affection que nous lui portions et aux regrets qu’il a laissés dans le monde du Théâtre.

Jean MAGNAN fit ses débuts au Conservatoire d’Art Dramatique d’Alger puis de Paris. Il se dirige rapidement vers l’écriture théâtrale. Sa première pièce « Et pourtant ce silence ne pouvait être vide » est représentée en Avignon en I978.

Suivront cinq autres pièces.

Il est assassiné à Paris en 1983 avant d’avoir achevé la trilogie sur la guerre d’Algérie : « Algérie – 54-62 »

Publié dans : Escapade au Sahara un soir de Noël |le 24 février, 2010 |5 Commentaires »

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5 Commentaires Commenter.

  1. le 22 mars, 2010 à 13:50 Attica Guedj écrit:

    Allez, je me lance! Quelle bonne idée, cher André, de te raconter. Et merci de citer tes anciens « petits », dont j’étais. Je suis heureuse d’avoir vécu ces aventures grâce à toi, même si j’étais assez inconsciente du danger de la situation. Je n’avais même pas peur de l’avion, à l’époque. Seul comptait pour moi le bonheur de jouer « L’Apollon de Bellac »… Quelle belle expérience! Merci, et à toujours.
    A.G.

  2. le 24 mars, 2010 à 18:10 André Limoges écrit:

    Oui Attica il y avait un certain danger, que je savais. Mais avec vous tous, à mes côtés, j’oubliais cela – Je ne l’ai réalisé vraiment que ce fameux après-midi où sous tes yeux, alors que tu jouais un avion a atterri, de retour d’opération…
    Tu sais la suite… peu glorieuse pour moi ! Si étonnante pour « la présence » dont tu as fait preuve.
    Je t’embrasse
    André

  3. le 7 novembre, 2010 à 18:37 Laurent Gérard écrit:

    J’ai un voile devant les yeux (il se nomme des larmes) à vous voir mon cher André, si plein de vie, si enthousiaste! Porteur de l’utopie que tous, à un moment ou un autre , nous avons portée, partagée: celle de la troupe, celle du partage. Merci de m’avoir donné cette émotion.
    Je vous aime
    Gérard

  4. le 4 septembre, 2014 à 11:22 Cutaya Paulette écrit:

    OUI je me souviens très bien de Bir Rabalou et pour reprendre un thème cher aux Platters « Smoke gets in my eyes »…..
    Merci André de m’avoir permis de vivre cette aventure.
    Paula Cutaya-Belknap

  5. le 7 septembre, 2014 à 21:41 André écrit:

    Beaucoup d’émotion pour Madeleine et moi en découvrant ton message d’amitié, au-delà du temps très long qui nous sépare mais qui n’a rien effacé des belles aventures que nous avons vécues ensemble. Nous avons eu la joie de rencontrer Polène, à Paris plusieurs fois avant sa disparition en juillet 2012.
    Tu as pu voir j’espère la photo qui illustre l’émission enfantine où tu te trouves auprès de Madeleine et de ta soeur Aline.
    Si par chance tu possèdes d’autres photos de l’enfantine ou du voyage au Sahara nous serions heureux de les mettre en ligne.
    Madeleine et moi t’embrassons.
    André

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