50 ANS D’ARCHIVES SONORES A LA MEDIATHEQUE DE BORDEAUX
L’intérêt manifesté depuis quelques années par la notion de « mémoire » se diversifie de plus en plus.
La généalogie en est une des composantes, avec la multiplication des cercles généalogistes , ou les revues spécialisées s’y rapportant.
Les archives télévisuelles et radiophoniques relèvent de ce désir du public de se souvenir, et de revoir.
L’Institut National de l’Audiovisuel (INA) a perçu la possibilité d’une ressource financière importante par la mise à disposition du public des documents télévisuels et radiophoniques en sa possession.
Les productions de Télévision ont fait l’objet, dans l’ensemble, d’une bonne conservation, et leur capital mémoire est donc considérable.
La conservation des éléments de la Radiodiffusion a été très différente d’une station à une autre, selon l’intérêt manifesté ici ou là pour ces archives.
Situation particulière de Bordeaux
Les éléments radiophoniques diffusés sur l’antenne de Bordeaux Aquitaine puis Aquitaine Radio ont été préservés et sauvegardés par André Limoges (anciennement Réalisateur) et Michel Hervé (anciennement Chef opérateur du son).
Ils couvrent la période 1959-1984 soit 25 années.
- 500 titres d’émissions diverses ont été sauvegardés ce qui représente approximativement 350 heures d’enregistrement.
La Médiathèque de Bordeaux a bien voulu d’une part, accueillir ce fonds depuis 1994 et le disposer en un lieu adapté à sa conservation ; d’autre part nous ménager la possibilité de procéder régulièrement à un travail de maintenance, et nous permettre de dresser un inventaire et une fiche analytique de chaque document (renseignements techniques, artistiques, et de contenu). Cela dans la mesure où l’archive contenait encore ces indications – La plus ancienne d’entre elles datant de 1959 !
Ces 500 titres sont maintenant répertoriés.
Ils se composent, entre autres, de :
30 Concerts de Jazz 3 Feuilletons
15 Concerts classiques 37 Interviews
18 Documentaires 35 Dramatiques
90 Littéraires 88 Emissions Jeunesse
77 Variétés
Et 14 simultanés d’antenne reproduisant l’enregistrement en continu de plusieurs heures d’antenne.
La vie littéraire de notre Région est particulièrement bien représentée par des entretiens avec :
Henri Amouroux
André Berry
Jean Cayrol
Jean-René Caussimon
Ange Condoret
Fernande Costes
Jean-Louis Curtis
Gabriel Delaunay
Michèle Delaunay
Louis Emié
Robert Escarpit
Pierre Fanlac
Jean Forton
Gilbert Ganne
Max Henri Gonthié
Roger Grenier
Jean-Claude Guillebaud
Francis Jeanson
Jean Lacouture
Alexis Lichine
Gaston Marchou
François Mauriac
André Maurois
Raymond Mirande
Marc Oraison
Jean Orieux
Michèle Perrein
Christine de Rivoyre
Philippe de Rothschild
Marc Soriano
Michel Suffran
Jean Vauthier
Pierre Veilletet
Les Concerts de Jazz :
Les interprètes les plus prestigieux sont intervenus lors de ces soirées – de Earl Hines à Sister Rosetta Tharpe, de Mickey Baker à Memphis Slim, en passant par Jo Jones, Milt Buckner, Cab Calloway, Lionel Hampton, Muddy Waters, etc…
Les productions destinées à la Jeunesse ont été particulièrement importantes durant ces vingt cinq années : soit sous forme d’émissions en studio avec participation d’enfants ou d’adolescents – soit sous forme de productions en extérieur :
- sur le thème de la communication – voyage en train d’une classe d’enfants de Mérignac à la rencontre d’autres enfants de villages landais.
- Découverte de l’œuvre de Roald Dahl – rencontre et interview de l’écrivain par ses jeunes lecteurs aquitains à l’occasion d’un séjour à Londres.
Les émissions de Variétés sont le reflet de l’activité du « Cabaret Studio 3 » de poésie et chanson, évoquée par ailleurs dans ce blog. Elles permettaient aux jeunes poètes, chanteurs, musiciens et compositeurs de se produire en public.
Les documentaires marquent un moment de la vie d’une personne, d’une communauté ou d’un lieu. Fernande Costes évoque, par exemple, avec émotion les nombreuses années qu’elle a passées à veiller à la rénovation, puis à la vie du Château de Bonaguil au pied duquel elle est née, et qui a fini par l’envoûter, à jamais.
Gabrielle Dorziat, grande interprète de Théâtre et de Cinéma, se remémore ses rencontres avec Sarah Bernhardt, Georges Clémenceau, Louis Jouvet ou Jean Cocteau dont elle a créé « Les Parents terribles » avec Jean Marais.
Willy Brandt et Léopold Sédar Senghor, que rencontre Madeleine Debras, témoignent d’un temps fort parmi les documents conservés.
Dans un enregistrement assez étonnant François Bayrou retrouve les enseignants qui ont marqué son adolescence en Béarn – de façon tellement intense qu’il souhaite s’adresser à eux directement sans l’intermédiaire d’un présentateur.
Les documentaires permettent parfois un séjour prolongé, auprès des personnes rencontrées, ce qui rend à l’antenne une approche plus approfondie.
Le Théâtre Ferranti relève de ces moments privilégiés : en 1969 existait encore en Aquitaine une troupe de sept comédiens se déplaçant avec caravanes de village en village :
La troupe demeurait plusieurs semaines en un même lieu, se produisant sur une scène improvisée, en quelque endroit improbable, quelquefois ouvert au vent, et interprétant avec une force de conviction et un talent déclamatoire certes daté, mais bouleversant, les grands mélos du répertoire, les drames romantiques, des policières, voire même quelques vaudevilles.
Tous les soirs voyait se dérouler une pièce nouvelle.
N’étant que sept acteurs, chacun d’entre eux devait connaître des centaines de personnages afin de pouvoir interpréter plusieurs rôles différents dans la même pièce, en changeant rapidement de costume !
Moment unique d’émotion devant ce dénuement, que d’entendre dans un petit village du Lot et Garonne, devant une quinzaine de spectateurs :
« Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ! »
Ou la chanson des Deux orphelines :
« O ma tendre Lisette
Lisette mes amours »…. retentir sous un hangar de tôle ondulée, un soir de très fort orage.
Pour le 100e Anniversaire de l’Abbaye de Belloc, en 1975, les moines acceptent pour la première fois qu’un micro pénètre dans les lieux intimes de leur vie, habituellement interdits au public – Quelques beaux moments dans ce document :
Un vieux moine basque se meurt, le père Abbé lui rend visite. Le vieux moine demande :
-« Quel temps, au dehors ? »
-« Le vent du Sud », répond le père
-« Alors, j’attendrai », dit dans un souffle le moine – que l’on enterrera le lendemain avec une liturgie alternée de chant basque et de grégorien.
Autre moment sensible parmi ces documentaires :
Les Asiles de La Force, en Dordogne, près de Sainte Foy la Grande.
La Communauté protestante y accueille « tous ceux dont la vie ne veut pas », selon le mot de son créateur, en 1875, le Pasteur John Bost.
Les plus grandes meurtrissures du corps, les plus grands déréglements de l’esprit trouvent ici refuge et soins.
Le Professeur Louis Pouyanne, en 1976, guide cette visite bouleversante et dit regretter la disparition de cette belle notion :
La Charité.
Durant les années passées à entretenir ces archives et les ré-écouter, Michel Hervé et moi avons souvent été stupéfaits de la conservation parfaite du son, cinquante ans quelquefois, après un enregistrement.
Cela confirme peut être, d’une certaine façon, le mot de celui qui a consacré sa vie entière à travailler cette technique jusqu’à en faire un art :
« La voix n’a pas de rides »
Pierre Schaeffer

Vous pouvez laisser une réponse.
Merci de ce travail colossal. La Voix est effectivement un domaine grandiose, et c’est une grande chance que vous ayez sauvegardé tout ça. J’ai connu le cabaret studio 3 grâce à un certain Jean-Claude (j’ai oublié son nom), qui faisait exprès dans d’autres réunions de lire des vers de mirliton devant des vieilles personnes qui écrivaient en alexandrins !
J’ai bien connu Claudine Lasserre à Bazas et à un moment où vous organisiez avec elle des séances sur la plage l’été.
Je suppose qu’il faut être impérativement à Bordeaux pour consulter ces archives, car à présent j’habite la région Nantaise.
Merci de répondre.
Julienne Faugas
Votre message me touche beaucoup car il me ramène à une époque particulièrement féconde de la Radio de Bordeaux où j’ai animé le Cabaret Studio 3, riche de tant de personnalités diverses.
Le Jean-Claude que vous évoquez est probablement Jean-Claude Coquempot un des plus doués de ces jeunes auteurs-compositeurs. Je suis resté en relation avec lui.
Claudine Lasserre a effectivement participé à des émissions l’été à Arcachon, où nous avions décentralisé l’antenne de Bordeaux.
Les archives sont parties il y a quelques jours à Paris , afin d’être numérisées.
A l’issue de cette opération elles seront en libre accès à la Médiathèque de Bordeaux.
Je pense qu’elles seront également disponibles sur le site de l’INA, mais, moyennant « péage ».
Je vous tiendrai au courant de tout cela, si vous le souhaitez.
Oui, c’est bien ça, Coquempot. Il lisait des vers de mirliton par provocation, alors qu’il était passionné par Mallarmé. Et je me souviens qu’à un moment donné il formait un duo avec une japonaise. Si vous pouviez me dire où on peut avoir des nouvelles de lui et de son travail,ça me plairait bien, et je veux bien être tenue au courant de la disponibilité des archives.
Julienne Faugas
André,
Je relis votre blog et je dois conclure que c’était bien moi. Comme quoi on oublie bien des choses; mais je ne les renie pas.
Ce qui m’étonne c’est le souvenir du duo. Nous n’avons passé à Bordeaux qu’une fois et en semi-privé au Poisson Lune/Onyx. Autres endroits: Calais,Berlin, et en Suisse: Yverdon,Lausanne, Genève etc.
Bonjour André Limoges.
Un moment de nostalgie, sans doute, j’ai inscrit votre nom sur Google et je découvre votre blog.
Je me souviens toujours avec un vif plaisir de votre talentueuse réalisation de mon « Gaston Phoebus », énorme « superproduction » que nous avait accordée Serge Solon.
Tous les bon(nne)s comédien(ne)s de Bordeaux et alentours étaient là.
J’ai passé de très bons moments en votre compagnie lors des enregistrements de ces 46 épisodes où vous avez admis ma présence en régie.
Quel dommage que la radio d’aujourd’hui ait tourné le dos à ce type de créations.
Merci d’avoir donné l’occasion à qui le voudra d’entendre ces oeuvres en les faisant archiver.
En mars, ma pièce « Fiché coupable », adaptée de mon roman éponyme (Eds StoryLab), sera créée à l’Inox (ex Onyx) par Jean-Pierre Terracol qui m’a avisé avoir « revisité » le texte initial.
J’espère avoir d’agréables surprises.
Si vous êtes tenté…
Cher André Delauré,
Votre message me touche d’autant plus que j’ai gardé, comme vous, un souvenir excellent de nos relations durant les longues semaines de l’enregistrement
du feuilleton Gaston Phoebus que vous aviez écrit – et que nous avons pu réaliser grâce à cet homme de talent que fut Serge Solon.
46 épisodes – 42 comédiens. Voilà ce que fit de mieux la Radio de Bordeaux dans ses dernières années de production.
Je serai heureux de voir “Fiché coupable” si je suis disponible et bien portant ce jour-là !
Bien amicalement
André Limoges
Bonjour cher André Limoges,
Je reviens sur votre blog à propos de recherches sur l’Aquitaine et du coup je tombe sur notre bref échange, et puis surtout ce mot de Coquempot ! Tout cet ensemble a été considérablement étoffé, et c’est formidable. Il faudra vraiment que je revienne à Bordeaux pour consulter le travail énorme d’archivage que vous avez constitué. J’ai acquis aussi récemment un magnifique album des pièces de la Famille Hernandez, qui doit dater de 1964.
Je retrouve aussi sur votre blog une photo de Catherine Audemer. Savez-vous si certaines de ses pièces ou des émissions poétiques qu’elle a réalisées avec Michel Hervé sont également conservées ?
Grand merci à vous,
Julienne Faugas
Merci Julienne Faugas pour votre si amical message. Plusieurs pièces Radio enregistrées par Catherine Audemer sont désormais archivées, telles que “Monsieur de Maupassant” ou “Verlaine Twist” de Michel Suffran. L’INA les a numérisées, comme l’ensemble des oeuvres que j’ai pu sauver et qui sont consultables librement à la Médiathèque de Bordeaux ou accessibles sur le site de l’INA. Cordialement