MICROS SOUVENIRS

« De la retraite de Russie… aux flocons de neige »

Madame Alice Delaunay inspectrice générale des écoles maternelles, et épouse du préfet de Région Gabriel Delaunay eût un jour l’idée d’imposer l’apprentissage de l’anglais dès les classes maternelles, excellente initiative qu’elle vint évoquer au micro de Bordeaux-Aquitaine.

Informé par mes collègues qu’une fois « lancée » il est absolument impossible d’interrompre Madame l’inspectrice je lui demande toutefois un court essai de voix, destiné aux réglages techniques.

Retour en cabine le technicien et moi entendons alors :

« Il neigeait, on était vaincu par sa conquête

Pour la première fois l’aigle baissait la tête.

Sombres jours. L’Empereur revenait lentement,

Laissant derrière lui brûler Moscou fumant…

La retraite de Russie commençait, chacun sait qu’elle fût longue, longue cette retraite !

Couper Victor Hugo ?

Interrompre Madame l’Inspectrice Générale ?

« Madame Delaunay » ?

J’ai vécu là un moment d’angoisse craignant que la demi-heure passe avant que Grouchy désespéré voit arriver Blûcher !

Par divers petits signes je tentai en vain d’attirer délicatement l’attention de notre récitante, lorsqu’enfin elle leva un instant le regard vers nous.

Aussitôt j’interrompis la débâcle par de grands gestes, conscient d’avoir ainsi commis un crime historique de « Lèse poésie ».

NB : Victor Hugo : « La retraite de Russie »

« Il attendait Grouchy, ce fut Blûcher qui vint »

 

Arthur Rubinstein

A cette interminable campagne de Russie je voudrais faire écho par deux mots… tout simples.

Un soir de 1969 la grande salle du Jaï-Alaï de Saint-Jean-de-Luz accueille Arthur Rubinstein.

Récital éblouissant, public en délire, Rubinstein bisse plusieurs fois. Une foule d’admirateurs et surtout d’admiratrices se presse en coulisses autour du Maître.

Je dois l’interviewer, tente de le rejoindre, il est trop loin, s’éloigne déjà –

Je crie alors « Maître, Maître, deux mots s’il vous plaît !

Rubinstein se retourne, m’aperçoit et lance à haute voix :

« Deux mots ?  Arthur Rubinstein » !

NB : Je dois à la vérité de dire qu’Arthur Rubinstein, admirable conteur, une fois la foule dispersée, est venu à mon micro pour plus de deux minutes !

 

Les speakers

Les speakers disparaissent progressivement de notre paysage sonore et l’on en oublierait presque la place importante qu’ils y ont tenue.

D’innombrables anecdotes narrent leurs accrochages involontaires frôlant parfois la contrepèterie.

Dans les années soixante-dix un bulletin météo radio était diffusé à l’intention des agriculteurs et viticulteurs les alertant sur un gel éventuel.

Ce bulletin passait fort tôt : 6h30, de mémoire.

Et l’on imagine aisément la clarté d’esprit du speaker devant son micro à une heure si matinale.

L’annonce à faire ce jour-là était courte, heureusement et rédigée de la façon suivante :

« Il est tombé q.q. flocons de neige sur Bordeaux »

Elle est devenue bien sûr dans l’ensommeillement ambiant du Studio :

« Il est tombé 99 flocons de neige sur Bordeaux »,

Heureux présage pour ceux qui s’apprêtaient à partir à la neige !

 

Voyage au Portugal

J’ai dit déjà dit à quel point l’accueil de la Télévision Portugaise, lors de nos échanges fut toujours chaleureux.

Une réunion de travail à Lisbonne amène mon Directeur Régional et moi-même à y passer deux jours dans des conditions de confort remarquables : un hôtel 4 étoiles récent, très luxueux.

Le soir de notre arrivée je souhaite rafraîchir le col de ma chemise, le plonge dans le lavabo et le savonne légèrement – Désastre, la vasque s’écroule, l’eau se répand sur le tapis moelleux.

J’attendrai le petit déjeuner du lendemain pris en commun avec notre hôtesse pour lui annoncer mes méfaits. Contrariée à notre égard, elle accable aussitôt la Direction de l’hôtel, évoquant en vrac « ces hôtels prétentieux bâtis à la hâte, et ces gens qui ne sont pas des professionnels ! »

Le lendemain matin, au réveil mon Directeur me téléphone de sa chambre : il vient de renverser son café sur le même tapis moelleux que celui déjà évoqué !

Confus nous rejoindrons notre hôtesse, affectant un sourire des plus ouvert pour lui annoncer que…

Elle persistera dans son idée de ne voir aucune faute de notre part, accablera de nouveau la Direction, la menaçant de toutes les foudres officielles, assénant in fine, qu’elle ne remettrait plus un pied dans pareil bricolage !

Les relations entre la Télévision Régionale de Bordeaux et la Télévision Portugaise furent à ce point excellentes qu’un magazine concrétisa nos échanges et donna lieu à de multiples déplacements entre Bordeaux et Lisbonne.

Afin de célébrer cette collaboration la Télévision Portugaise me convia à une journée qu’elle voulut solennelle, débutant par un repas.

Accueilli à ma descente d’avion par ma correspondante portugaise j’apprends aussitôt que le Directeur Général de la Télévision, qui présidera ce repas entouré de ses huit Chefs de service, a souhaité qu’une excellente recette de leur plat national Bacalao soit servie en mon honneur.

Je déteste la morue

J’ai durant le parcours aéroport-Télévision, réfléchi à toutes les hypothèses : prétendre être quelque peu dérangé, avoir un régime m’interdisant spécifiquement la morue, refuser catégoriquement d’y goûter…

Toutes idées impossibles

J’ai vu avec angoisse un plat énorme, haut en couleurs, posé au centre de la table.

Mes hôtes étaient heureux et fiers de me le présenter, et de me l’offrir.

Pour l’honneur de la France, il faut bien le dire ! mais surtout pour la gentillesse extrême des Portugais : j’ai mangé, ou plutôt avalé cette morue-là !

Mes hôtes ont discrètement sollicité mon avis après le premier service.

J’ai été lâche, mais Français que diable ! Et j’ai su dire à quel point cette première impression était un enchantement.

On m’a resservi bien sûr.

Je suis allé sept fois au Portugal.

Se souvenant de mon « plaisir », mon aimable collègue ne manquait jamais, dès mon arrivée, de m’annoncer aussitôt : « Notre Directeur s’est souvenu que vous appréciez notre plat national. Nous vous servirons aujourd’hui une recette particulière – Nous en avons 365 différentes ! ».

 

Enregistrement vocal de quelques unes des évocations qui ponctuent ce blog. 

 

Liste des enregistrements :

- L’enfance (Partie 1)

- L’enfance (Partie 2) 

- Le Conservatoire 

- La Guerre 

- La Radio 

- La Télévision (Partie 1) 

- La Télévision (Partie 2) 

- La Télévision (Partie 3) 

- La Télévision (Partie 4) 

Collaboration technique : Frédéric Damour

Publié dans : Micros Souvenirs | le 2 juillet, 2020 |Pas de Commentaires »

MES TOURNANTS ROVIGO

 

« Ainsi que les pluies d’hiver nous apprennent, dans les silences d’une intime grâce, l’univers de nos chambres,
nous avons été conduits par le temps de la guerre à mieux connaître nos biens ultimes. »

Max Pol FOUCHET

Mes Tournants Rovigo
Album : Mes Tournants Rovigo

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Mes Tournants Rovigo commencent très loin.

Bien avant d’être amputés de leur première partie, devenue rues Dumont d’Urville et rue Henri Martin, ils étaient déjà les Tournants Rovigo.

C’est au square Bresson que commence vraiment l’incroyable serpentin de virages plus ou moins aigus qui de cette place aux petits ânes emmènera haut, très haut, vers le large boulevard de la rampe Vallée, plus loin vers El-Biar.

Dans ce long parcours chaque virage frôlera de plus ou moins près la Casbah sur sa droite, traçant ainsi une ligne sinueuse, du port d’Alger au point le plus bas, jusqu’à Barberousse au plus haut.

Le square Bresson ne voit jamais la lumière du soleil : les arbres serrés sont extrêmement touffus et à feuilles persistantes. Il fait bon, même aux plus étouffantes chaleurs, ce qui doit bien soulager les petits ânes qui semblent tourner depuis toujours.

La rue Bab-Azoun est là toute proche, mais elle annonce un autre monde qui n’est pas celui des Tournants : la place du Gouvernement, Bab-el-Oued…

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Publié dans : Mes Tournants Rovigo | le 28 février, 2010 |70 Commentaires »

LA RUE DUPETIT-THOUARS D’ALGER, DE LA CITE BISCH AUX 4 CANONS

Rue Dupetit-Thouars
Album : Rue Dupetit-Thouars

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Du poète vagabond François Villon, au corsaire Sampiero Corso, venus entourer cette incroyable rue en tire-bouchon, le Grand Amiral français Dupetit-Thouars saurait-il devenir conteur de nos jeunes années lui qui a tout entendu ?

Se souviendrait-il de la romance de Maître Pathelin ou du perroquet corse amateur de sardines qui enchantaient le voisinage par la touche de malice que chacun savait y voir ?

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LA RUE DUPETIT THOUARS…. LE RETOUR

Fallait-il revenir – Retrouver les couleurs, les bruits, les chants et les mêmes senteurs ?

Les cortèges funèbres qui serpentaient dans cette longue rue du Fort l’Empereur à El Ketta se font-ils toujours à dos d’hommes à pas glissés et silencieux ?

Les « grands hommes bleus » du désert dansant au rythme de leurs claquettes de métal sont-ils toujours en quête de pièces lancées des étages ?

Traversée en bateau – la seule vraie – Plus de « Ville d’Alger », de « Ville d’Oran » ou de Kairouan » ! Mais leur semblable.

J’attends le lever du jour. Je sais la magie de la vision au loin, très loin encore dans une brume bleutée de la ville blanche. Je sais que la Casbah, grand manteau blanc, apparaîtra la première et écrasera le paysage dont les confins viendront mourir où s’accostera mon bateau.

Pourquoi la magie de cette arrivée opère-t-elle toujours ?

Chaleur écrasante. Pas un souffle d’air. Nous avions oublié.

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LES ESCALIERS D’ALGER

Escaliers d’Alger que de sueurs je vous dois !

Pour vous avoir escaladés d’innombrables fois je me dois de vous dire.

Pentus, raides, en colimaçon ou sinueux, éclatants de lumière ou inquiétants par vos dédales obscurs, vous avez épousé toutes les formes.

Est-ce pour nous surprendre à chaque ascension, ou nous éviter la monotonie de la montée ?

Certains d’entre vous, généreux, offrent des paliers de repos à l’image des plongeurs s’aventurant dans les profondeurs marines par paliers de décompression. D’autres au contraire, ciblent le sommet d’une seule traite, sans égard aucun pour notre essoufflement qu’ils ignorent.

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L’ECOLE DORDOR

Ecole Dordor
Album : Ecole Dordor

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L’école Dordor est située au croisement de trois rues :

la rue Dupuch qui naît au carrefour du Cadix, dans les tournants Rovigo, pour se terminer au Gouvernement Général ;

la rue Saint Augustin sur l’arrière de l’école, où se tient un marché très animé : elle aboutit route des quatre canons, proche du Fort l’Empereur ;

la rue Levacher enfin, qui par une suite d’interminables escaliers aboutit rue d’Isly dans le centre de la ville, dans le sens de la descente d’un côté : pour venir se perdre à son autre extrémité, dans le sens de la montée, sur les premières hauteurs de la ville, rue Dupetit Thouars.

L’entrée de l’école se situe rue Levacher – c’est une école de la République, comme des milliers d’autres à l’époque en France, en Algérie.

Pour des dizaines de milliers d’entre nous elle restera à jamais non pointl’école de la République, notion tout à fait lointaine et abstraite, mais « Dordor ». Entrer à « Dordor », passer son BEPC à « Dordor », en avoir été, avoir connu ses maîtres sévères ou indulgents, est un titre de gloire dont nous sommes plus fiers que de tous les diplômes glanés ensuite dans les écoles supérieures de ceci ou cela ;

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Publié dans : L'Ecole Dordor | le 27 février, 2010 |13 Commentaires »

DE QUELQUES LIBRAIRIES D’ALGER

A gauche sous l'auvent, la librairie Relin

A gauche sous l’auvent, la librairie Relin

Dans l’Algérie des années 50, trois librairies d’Alger se démarquent dans ma mémoire pour des raisons fort différentes.

Soubiron me vient immédiatement à l’esprit, non par son style, mais plutôt par l’importance qu’avait prise cette librairie dans le panorama du livre en Algérie.

En effet, Soubiron est le fournisseur principal de l’Education Nationale qui achète là ces milliers de livres mis gracieusement à la disposition des élèves.

Marché d’autant plus conséquent si l’on songe que les autres livres, non offerts ceux-là, seront aussi achetés chez Soubiron.

D’où l’aspect de ce lieu très vaste, tout en longueur à l’angle des rues Dumont D’Urville et de Tanger, où nous aboutissions à chaque rentrée scolaire, face au restaurant El Baçour réputé pour l’excellence de sa cuisine orientale.

La librairie Soubiron : un lieu actif, un peu impersonnel qui ne prête guère à la flânerie ; on y vient sûr de trouver sa géographie Gallouédec et Maurette ou son Isaac et Mallet. Comparable à cette époque à ce que sont devenus « Gibert Jeune », à Paris, Boulevard Saint Michel, le Furet du Nord à Lille, ou Mollat à Bordeaux.

Ses vitrines exposent peu de livres d’art mais plutôt mappemondes petites et grandes, boîtes de compas et de peinture, et en fond de vitrines quelques unes de ces étonnantes cartes de France, introuvables aujourd’hui, qui nous apprennent que « Notre pays a quatre grands fleuves : la Seine, la Loire, la Garonne et le Rhône », ce qui n’était peut-être pas tout à fait suffisant à parfaire notre connaissance de cette terre d’Algérie que nous habitions….

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Publié dans : De quelques librairies d’Alger | le 26 février, 2010 |6 Commentaires »

MES 400 COUPS DE CINEMA ALGEROIS

Cinémas algérois
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 Le public algérois aimait-il le cinéma ?

La réponse tient dans un nombre : plus de cinquante salles à Alger en 1962 !

Des plus grandes aux plus petites, des plus luxueuses aux plus modestes, de Bab-el-Oued à Hussein Dey, avec une répartition plus importante sur l’axe royal rue d’Isly – rue Michelet.

Deux grandes périodes d’apparition de ces salles : avant et après 1945.

Les quinze dernières années ont vu en effet fleurir un assez grand nombre de salles d’aspect extérieur et intérieur plus attrayant, lumineux, d’une capacité notoire, et situées uniquement dans le centre ville.

Les noms mêmes quelque peu immodestes de ces grandes salles, le Versailles, le Paris, l’Empire, comparés aux salles anciennes aux noms convenus, le Lux, le Rio, le Midi-Minuit, indiquent bien l’évolution d’un public qui souhaite que le spectacle soit à la fois sur l’écran et dans la salle.

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Publié dans : Mes 400 coups de cinéma algérois | le 26 février, 2010 |1 Commentaire »

LE CONSERVATOIRE D’ART DRAMATIQUE D’ALGER

Le Conservatoire
Album : Le Conservatoire

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Le Conservatoire d’Art dramatique d’Alger, jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962, est situé dans le bâtiment de l’Ancienne Mairie d’Alger 3, Boulevard de la République, à quelques pas de la place du Gouvernement.

Les locaux sont situés sur les deux derniers étages du bâtiment, au 2ème et au 3ème.

Au 2ème étage : les classes de musique, de chant et

de l’Administration.

Au 3ème  étage : les classes de danse et d’art

dramatique.

Les deux salles de classe d’art dramatique sont spacieuses et lumineuses. Elles sont équipées d’une estrade tenant lieu de scène.

Trois professeurs d’art dramatique ont marqué les trente dernières années de la présence française jusqu’en 1962 : Paule Granier, Reine Marodon, Géo Wallery.

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Publié dans : Le Conservatoire d'art dramatique d'Alger | le 26 février, 2010 |11 Commentaires »

LA TROUPE DE RADIO ALGER

La Troupe de Radio Alger
Album : La Troupe de Radio Alger

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S’il y eut une Radio dont l’influence artistique fut considérable sur le public ce fut bien celle d’Alger dans les années de l’immédiate avant guerre, jusqu’à l’arrivée de la Télévision en Algérie en 1957, et même bien au-delà.

Les premières émissions de Radio, en Algérie, se déroulent dans des locaux mis à disposition dans l’immense bâtiment du « Gouvernement Général » tout prés de cette place du « Forum », plus tard haut lieu historique dans les années 60.

Dans ces locaux, situés rue Berthezène, chaque jour un bulletin d’information est diffusé avec déjà une météo. L’illustration musicale se compose pour l’essentiel de disques ou d’interprétation, en direct, dans le studio. Aucun enregistrement n’existant encore à l’époque.

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Publié dans : La Troupe de Radio Alger | le 25 février, 2010 |42 Commentaires »
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